Les temps sont parfois rudes. La menace pandémique est à peine mise de côté, les joies de sortir et de se retrouver sans contrainte sont enfin de retour, tout comme les beaux jours, que la dure réalité d’une guerre absurde nous rattrape et que les menaces climatiques réduisent le champ de vision et notre capacité vitale à nous projeter. Sommes-nous donc contraints à nous réfugier dans les livres pour échapper aux tumultes et aux images qui tournent en boucle sur tous les médias, alimentant le grand Moloch de l’information et surtout nos angoisses existentielles?
OUI avec force, avec envie et avec passion. Afin de continuer à rêver, de poursuivre notre quête insatiable de la nature humaine, de sa grande aventure et de son utopie nécessaire – alors que d’autres bientôt nous inciteront à nous échapper dans le Metavers, où la consommation virtuelle deviendra payante. Certes le livre aussi a son coût et il est raisonnable – soit à peine plus cher qu’un beefsteak et bien moins élevé qu’un billet de concert –, mais l’objet est tangible, son choix presque infini, et sa préhension l’acte volontaire de tout être libre. L’évasion qu’il offre, le plaisir qu’il procure n’ont pas de prix, ou alors celui du silence, de la contemplation et de la rêverie, tel ce lecteur impénitent et poétique qu’Albertine nous propose en couverture de ce 3e numéro avec toute la grâce de son trait: seul dans la nature, devant cet étang à l’eau noire mystérieuse qui vibre un peu comme un lieu romand du polar (lire l’enquête qu’Isabelle Falconnier consacre à ce genre de plus en plus prisé par les lecteurs), le lecteur est absorbé entièrement par ce qu’il lit.
Et le lecteur n’a que l’embarras du choix tant nos éditeurs rivalisent de créativité et de talents à explorer par tous ceux qui aiment les livres: cela tombe bien car dans ce magazine, on vous parle du livre, des multiples formes qu’il revêt – comme le livre audio de plus en plus prisé et sur lequel se pose le regard d’Alexandre Grandjean, ou l’épopée révolue des éditions Rencontre et de leur club de livres que retrace pour nous François Vallotton. On vous parle aussi de ceux qui font le livre, lire à ce propos l’interview de Régis Penalva à l’origine de la programmation de la littérature suisse en Belgique et le récit de la visite la librairie Bostryche par Mélanie Richoz. On vous parle surtout de ses auteurs, avec à la clé plus d’une centaine de nouveautés qui sont mises en avant, parmi beaucoup d’autres qui paraissent. Dans une effervescence très printanière.
