Raphaël Aubert livre avec Qu’une seule âme sur la Terre un beau récit mélancolique sur des secrets d’enfance transcendés par la musique.
Au cœur de ce beau récit, une rencontre: celle d’Antonin Tcherniakovski, jeune violoniste polonais, soldat engagé dans la Seconde Guerre mondiale, et d’Alberte, une institutrice blonde de 22 ans, passionnée de musique, maîtresse d’école dans le village vaudois de Cerniaz. Durant deux ans, Antonin, prisonnier de guerre interné dans l’ancien Hôtel des Bains d’Henniez, va apprendre le français avec Alberte, qui à son tour va prendre des leçons de violon avec lui.
Des années après, le temps d’une vie, le fils d’Alberte se retrouve à Rome, puis à Berlin, en quête d’Antonin, ou de son souvenir, de ses traces, de son ombre. Quels secrets lui a caché sa mère, maintenant décédée? Antonin était-il le monsieur avec lequel sa mère avait parfois des rendez-vous furtifs, lorsqu’il était enfant, dans l’arrière-boutique d’une amie aux Galeries du Commerce à Lausanne ou l’atelier d’un luthier de la place? Pourquoi Antonin, qu’il revoit adulte à quelques reprises à Rome, semble-t-il si attaché à lui? Serait-il son fils? Le mot n’est jamais prononcé mais parcourt tout le livre d’une immense interrogation, un souffle ténu mais intriguant, comme une immense nostalgie pour une histoire d’amour interdite, avortée.
En bande son formidable du récit, la 9e symphonie de Beethoven, dirigée par le grand chef d’orchestre Wilhelm Furtwängler, symbole de la résistance au nazisme, dont le buste, sculpté par Bernard Bavaud, orne depuis 2016 les quais de Montreux. Traversant avec lyrisme et pudeur l’histoire du XXe siècle, cette fresque à la fois intime et collective touche le lecteur avec grâce.