Docteure en théologie et écrivaine, Marion Muller-Colard dirige également la maison d’édition protestante Labor et Fides qui fête cette année ces 100 ans. À cette occasion, la maison d’édition annonce la création d’un cercle de lecture et le lancement d’une nouvelle collection «Qu’est-ce que ça change» avec trois premiers titres signés François Ansermet, Alexis Jenni et Carole Widmaier.
100 ans après ses premières publications, Labor et Fides lance une nouvelle collection «Qu’est-ce que ça change?»
100 ans plus tard, qu’est-ce qui a changé?
J’ai envie de commencer par dire que quelque chose n’a pas changé: la pertinence de Labor et Fides. Car traverser un siècle est un gage en soi, en particulier ce siècle-là!
Ce qui a changé, c’est sans doute l’adresse de nos publications. À l’origine, les publications de la maison s’adressent dans un cercle protestant. Peu à peu et de plus en plus, certaines de nos publications ont largement dépassé ce cercle. Que l’on pense aux livres de Lytta Basset, par exemple, qui a rencontré un très large public à partir de son livre Le pardon originel, publié sous la direction de Gabriel de Montmollin. Ou les livres de la collection Petite bibliothèque de spiritualité qui rencontrent les lecteurs sur de grandes questions existentielles et spirituelles. Ou encore la collection Lignes intérieures créée par Matthieu Mégevand. Si bien qu’aujourd’hui il peut arriver ceci: que François Jullien, philosophe athée, sans attache avec le protestantisme, publie chez nous un texte qui redonne du souffle à nos propres héritages!
Pouvez-vous nous en dire plus quant au programme qui se déroulera tout au long de l’année?
Il y a tout d’abord un programme éditorial qui sera marqué par les rééditions de textes qui ont marqué l’histoire de la maison de par leur originalité, leur réception, leur ouverture vers de nouveaux lecteurs ou leur caractère emblématique. Un fil d’ADN à dérouler au long de l’année avec des trésors du passé toujours d’actualité. Et puis les pépites de l’avenir qui sont d’ores et déjà en librairie, avec le lancement de la collection Qu’est-ce que ça change, des petits livres courts, percutants, «anti-tricherie» me disait une des auteures, pour conduire le lecteur vers une véritable expérience de transformation du regard sur soi et sur le monde.
Et puis un centenaire, c’est aussi une fête! Plusieurs rendez-vous seront dévoilés au fil de l’année: une rencontre avec Sylvie Germain qui a écrit un texte inédit dans lequel elle se met dans la peau de Labor et Fides, une centenaire qui parle de Dieu. Un concours d’écriture pour préparer cette rencontre, un concert «Cantiques décantés» avec la violoncelliste Sarah Ostwald et autres surprises qui mijotent encore dans nos bureaux… Nous allons célébrer plutôt deux fois qu’une!
Ecrivaine, docteure en théologie et directrice de maison d’édition, vous incarnez une figure des questions religieuses, spirituelles et éthiques. Quel(s) message(s) souhaitez-vous transmettre aux lecteurs et lectrices pour 2024?
Le protestantisme est né d’une insurrection contre des abus qui n’ont pas fini de miner notre humanité. Il se sent proche de toute forme de révolte contre l’oppression, il se porte solidaire de toute action en faveur de l’égalité, de la justesse et de la justice. Il promeut l’esprit critique qui reste aujourd’hui la meilleure plateforme d’échange avec un monde complexe qui nous fournit un flot d’informations et d’opinions qui nécessite un tri constant et impératif pour ne pas se laisser abuser par des simplifications parfois dangereuses. Alors ce que j’ai envie de porter et de transmettre, c’est un message d’encouragement: oui nous vivons dans un monde complexe et dans une actualité vertigineuse, mais nous ne sommes pas sans repère et sans outil. Nous avons une histoire et chacun d’entre nous a des histoires, la rencontre de l’une et des autres créent des pensées et des récits que nous pouvons partager et discuter. Tant que nous serons capables de cela tout n’est, de loin, pas foutu!
