Quelques jours après l’achèvement de la Fureur de Lire à Genève en 2019, nous avons saisi l’occasion de poser trois questions à Aurélia Cochet, directrice de la Maison de Rousseau et de la littérature et co-organisatrice du festival.
En tant que directrice de la Maison de Rousseau et de la Littérature, vous organisez «La Fureur de Lire» qui vient d’achever sa troisième édition. Quelles sont les recettes de ce succès public?
Troisième édition chapeautée par la Maison de Rousseau et de la Littérature (MRL) mais 16ème édition genevoise!
Y a-t-il vraiment une recette? En tout cas une conviction. Nous rassemblons des grands noms et des artistes à découvrir, et un large nombre de lectures pluridisciplinaires, mêlant musique, arts visuels, danse, théâtre: la littérature est ici vue comme un art vivant. Nous invitons également des comédien.e.s à donner vie aux textes (Vincent Kucholl, Nicole Garcia, Jean-Louis Johannides, Claire Deutsch…). On sort de l’intimité de la lecture solitaire pour partager une expérience unique, collective, et découvrir des nouvelles dimensions du texte. Par ailleurs, les rencontres, en entrée libre, se déroulent autant dans les lieux du livre que dans des lieux plus inhabituels comme des cafés, théâtres, musée, disquaire, école de danse (…) afin de toucher d’autres publics.
Karine Tuil et Sylvain Prudhomme invités avant leurs prix littéraires respectifs! Intuition ou hasard programmé?
Ce sont avant tout des coups de cœur littéraires qui se concrétisent en invitations. Puis ce sont des éditeurs, Gallimard en l’occurrence, qui nous font confiance. La lecture musicale de Par les routes de Sylvain Prudhomme est le fruit d’un dialogue (et nouveau partenariat) avec la Maison de la Poésie à Paris – cette performance a été créée chez eux à l’occasion de Paris en toutes lettres début novembre. Nous parions sur des textes forts, et les distinctions ne changent rien à l’œuvre proposée. Je ne pense pas non plus que ces Goncourt des lycéens ou Fémina influent tellement sur la fréquentation de ces soirées, l’avantage est toutefois que la presse en parle et cela donne une plus grande visibilité au festival.
Lors de votre interview du 23 novembre au 12.45 de la RTS, vous mettez en avant l’enrichissement culturel induit par la structure collaborative (librairies, éditeurs, bibliothèques et la Maison de Rousseau et de la littérature) du festival. Dans ce contexte, que pensez-vous de la décision de la RTS de supprimer les émissions littéraires? (et de lancer leur newsletter Qwertz…)
C’est évidemment dramatique pour tous les éditeurs, les auteurs, et surtout pour les lecteurs. C’est une réelle menace pour l’accès à la littérature et la diversification des publics. Les émissions littéraires (et les précieuses archives!) sont essentielles pour nous faire découvrir des œuvres singulières et aller au cœur du texte. Un service public doit être le garant d’une pluralité culturelle, et il faut que l’information puisse arriver jusqu’aux gens, chez eux. Les acteurs du livre ne peuvent pas porter seuls cet enjeu de société.
Qwertz est une newsletter très réussie, qui fait des ponts entre des articles et des podcasts et invite à aller plus loin. Elle est un plus à l’offre culturelle car elle est conforme à ce tissage de liens, de mise en réseau qui sont dans l’air du temps, mais en aucun cas elle ne peut remplacer les émissions.