Trois questions à Isabelle Albanese

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Portrait d'Isabelle Albanese

Isabelle Albanese est directrice de la Bibliothèque sonore romande depuis dix-huit ans. Avec ses collègues et une centaine de lecteurs bénévoles, elle œuvre pour que la lecture soit un plaisir accessible à tous, que ce soit aux personnes handicapées de la vue ou souffrant dun autre handicap, la dyslexie par exemple. Nous lui avons posé trois questions, une belle occasion de mieux comprendre le fonctionnement de la BSR.

1) La Bibliothèque sonore que vous dirigez rend possible l’accès aux livres aux personnes handicapées de la vue ou de la lecture: comment fonctionnez-vous? Combien d’abonnés avez-vous, et quelle est la taille de votre catalogue?

Le but de la Bibliothèque Sonore Romande (BSR) est de permettre aux personnes qui rencontrent des difficultés avec l’imprimé de lire autrement. Nous demandons qu’un professionnel atteste que la personne ne peut pas lire dans de bonnes conditions. Ce peut être un logopédiste, un médecin, un enseignant spécialisé ou autre. Les causes sont également multiples: troubles de l’apprentissage, de la vue ou moteur. La BSR prête gratuitement des livres audios à plus de 3'500 personnes. Pour brosser leur tableau à grands traits, il s’agit, pour moitié, de jeunes - dyslexiques, atteints de troubles de l’attention ou du spectre de l’autisme - et, pour l’autre moitié, de personnes plutôt âgées déficientes visuelles. Leurs intérêts littéraires et compétences techniques sont donc très divers. Nous offrons un service adapté à chacun: d’un processus 100% virtuel - avec inscription en ligne, choix, téléchargement et écoute des livres sur notre site ou notre application - à un fonctionnement entièrement physique, avec un accueil par téléphone ou sur place et des CD envoyés sans frais de port, pour les personnes non connectées. Tout est gratuit et illimité.

Le catalogue de la BSR propose 35'000 titres, enrichis chaque année de plus de mille nouveautés, de notre production propre et issues de collaborations romandes et francophones. On y trouve des romans et documentaires de tous genres, avec une attention particulière à la littérature romande, que nous contribuons à faire connaître à l’étranger puisqu’il n’y a pas de restriction de lieu de résidence pour s’inscrire à la BSR. Les livres demandés par nos auditeurs sont bien sûr traités prioritairement.

 

2) Afin de pleinement remplir votre rôle, vous devez pouvoir proposer simultanément les nouveautés qui paraissent en librairie à vos abonnés: comment procédez-vous, et comment les éditeurs romands peuvent-ils contribuer à cet objectif?

L’idéal est de proposer le livre audio au moment de sa sortie en librairie, pour que nos auditeurs aient, en plus du plaisir personnel de la lecture, celui du lien social et inclusif de partager leur expérience de lecture en direct. Actuellement, nous recevons quelques services de presse mais, le plus souvent, nous achetons les livres en librairie. Cela serait un réel plus pour l’accès à la lecture pour tous si les éditeurs romands pouvaient nous faire parvenir en SP – ou contre rétribution si nécessaire - des exemplaires, numériques ou papier selon le choix de notre bibliothécaire, de certains de leurs titres à paraître. Ceci pour un usage non commercial et strictement réservé aux personnes handicapées de la vue ou de la lecture.

De son côté, la Bibliothèque Sonore Romande peut mettre à la disposition des éditeurs romands des extraits audios de leurs livres, pour leur communication. Nous pouvons également soutenir les librairies membres de Livresuisse en y achetant des livres papier qui seront enregistrés et, également, contribuer au rayonnement de l’édition romande en réalisant et distribuant une version audio du magazine Livresuisse auprès de nos auditeurs partout en francophonie.

 

3) Recherchez-vous des lecteurs bénévoles et comment se passent les enregistrements?

La majorité de nos lecteurs bénévoles enregistrent les livres audios à leur domicile. Il n’y a donc pas de limite à leur nombre. Nous sommes ainsi toujours à la recherche de nouvelles personnes qui sont prêtes à donner de leur temps et à prêter leurs voix pour que chacun puisse lire quelles que soient ses difficultés. Actuellement, nous pouvons compter sur 120 précieux lecteurs bénévoles. 

Nous faisons passer aux candidats, dans nos studios du Flon à Lausanne, un test de lecture à vue très exigeant. La mission de la BSR dépend en effet de la qualité des enregistrements. Une fois acceptés, ils reçoivent une formation technique: comment transcrire l’écrit en son? Comment donner à entendre un italique, un astérisque, des guillemets? Comment reproduire à l’oral un arbre généalogique ou un riche appareil critique? Chaque livre est un nouveau défi. 

Les bénévoles utilisent leurs propres ordinateurs, Mac ou PC. Nous mettons à leur disposition un micro ainsi que le logiciel d’enregistrement. Une fois l’enregistrement terminé, ils nous l’envoient par transfert ou sur une clé USB, pour contrôle avant publication. Nous leur proposons chaque année une formation continue en groupe, ainsi qu’une sortie récréative – cette année au Centre Dürrenmatt à Neuchâtel – pour les remercier de leur extraordinaire engagement, si précieux pour des milliers de personnes. 

Parallèlement, nous travaillons avec une dizaine de voix de synthèse de grande qualité, qui peuvent se révéler utiles, par exemple pour de longs livres qui doivent être produits en audio très rapidement. Ces voix de synthèse sont aussi bien féminines que masculines, et d’âges différents. La variété, de même que la qualité, sont déterminantes quand il s’agit de littérature. Nos livres en voix de synthèse subissent le même processus de contrôle qualité par notre équipe de production que ceux en voix humaine.