Né à Locarno en 1976, Tito Moccia est l’un des gagnants de la Mostra Illustratori de la Foire du livre jeunesse de Bologne 2024. Ses dessins, vivants et vibrants, un peu à l’image des fonds foisonnants de la Méditerranée, font rêver de grand large les petits lecteurs. Ricochet a fait escale à Berne, où vit l’auteur-illustrateur, et s’est laissé porter par la passion d’un scientifique, redevenu poète.
Ses livres en sont un indice fiable, Tito Moccia aime par-dessus tout la mer, et ce depuis toujours. Enfant, lorsqu’il part en vacances, ses parents s’étonnent qu’il connaisse tous les noms des animaux marins. Le passionné d’invertébrés, de crustacés et de coquillages raconte «Je lisais des guides sur la mer durant l’hiver». Les vacances d’été, c’était une sorte de travail pratique pour le jeune Tito.
Tito Moccia dessine aussi, bien sûr. Petit, il produit une quantité folle de dessins, nous confie-t-il. À l’âge adulte, il se tourne assez naturellement vers des études de biologie à l’université de Neuchâtel, sans pour autant perdre son âme d’artiste: chez Tito Moccia, le besoin de dessiner et d’écrire la vie est plus impérieux que celui de l’étudier.
C’est d’ailleurs ce besoin qui l’amène à remporter un prestigieux prix à Bologne. Si ce dernier le conduit à de belles rencontres et lui donne un brin d’assurance, l’auteur-illustrateur nous confie qu’il continue de douter de lui. Comme «le doute est la clé de toute connaissance», et cela va plutôt bien à notre interlocuteur en quête perpétuelle de nouveaux savoirs, c’est peut-être bien sa faculté à se poser des questions qui le distingue.
Biologiste, journaliste, auteur-illustrateur, il pratique aussi la sculpture ou la gravure. Ce passionné donne l’impression de vouloir ne laisser de côté aucun aspect de l’existence.
Changements de caps
Fasciné par le vivant, Tito passe d’abord son bachelor, puis poursuit avec un master en biologie marine. Pour ce faire et tout en réalisant un de ses rêves, il part dans le sud de la France, étudier au bord de la Grande Bleue. Puis, il travaille un moment dans la recherche, mais s’en détourne assez vite. «J’ai toujours eu besoin de faire quelque chose de créatif, cela m’a manqué dans la science. Cela m’a même déboussolé», confie-t-il.
S’installant ensuite à Genève, il trouve des boulots dans les musées. L’art l’appelle comme un chant des profondeurs, inexorablement. Il loue un atelier et, à nouveau, concrétise un rêve. «À cette époque, j’ai fait plein de sculpture et de la gravure, entre autres», se souvient-il. Autodidacte, Tito Moccia est proche d’un groupe d’étudiants de la HEAD.
Fan des histoires de mer de Robert Louis Stevenson, de Joseph Conrad ou d’Herman Melville (Moby Dick), il aime aussi écrire et il n’a pas peur d’expérimenter, ni de changer de cap. Il commence alors à faire des piges pour un journal tessinois et il mord: «Tout à coup, j’ai décidé de vraiment devenir journaliste et j’ai passé mon diplôme au centre de formation de Lausanne», dit-il. L’auteur nous donne l’impression que des évidences improvisées s’imposent et l’énergie qu’il met dans la réalisation de ses aspirations nous exhorte à suivre les nôtres.
Le Tessinois travaille toujours pour Keystone-ATS, pour qui il rédige dans sa langue maternelle. «Je suis curieux de tout et je n’aime pas cloisonner les choses. Les domaines d’application du journalisme sont vastes, cela permet de découvrir, de s’intéresser à tout», nous dit-il.
Aventure et subtilité
Tito Moccia explore et raconte, attentivement, le monde qui l’entoure. Peut-être un peu comme ses petits lecteurs? Le quadragénaire semble ne rien avoir perdu de son émerveillement. Très loin d’une volonté moralisatrice, il «écrit des livres qu’[il] aurait aimé lire enfant», nous dit-il. L’auteur-illustrateur souhaite éveiller chez ses petits lecteurs curiosité et plaisir de la lecture. Il nous décentre de nos visions de grands lorsque nous lui demandons quels messages il souhaite livrer à son public. En riant, il répond: «Je n’ai pas la prétention de communiquer quoi que ce soit, mais j’avais envie de créer des ouvrages aventureux, remplis de choses à découvrir». Simplement.
Attaché aux «petites choses», il nous fait l’aveu de souhaiter transmettre à son jeune lectorat ses impressions avec sensibilité et subtilité. On navigue sur Astor et Pavonia sans jamais se prendre de plein fouet ni de «grandes vérités», ni de morale immuable. Ses dessins grouillent de détails et ses histoires se trament tout en finesse. Tito Moccia affectionne d’ailleurs tout particulièrement les livres qu’on a envie de lire et relire, et c’est lorsqu’il reçoit ce type de retours qu’il est le plus content. «Au final, chacune et chacun s’approprie le livre et le lit à sa manière. La lecture appartient aux lecteurs!», complète-t-il.