Insatiable Bertil Galland

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Couverture de l'ouvrage Bertil Galland, vagabond des savoirs

C’est une figure incontournable des lettres romandes que se proposent d’analyser Jean-Philippe Leresche et Olivier Meuwly dans ce nouvel opus de la collection Savoir suisse, intitulé Bertil Galland, vagabond des savoirs.

La tâche est ambitieuse, car la vie de ce véritable «entrepreneur culturel» ne s’appréhende pas facilement. Bertil Galland est multiple, en apparence insaisissable. S’attaquer à celui qui fut tout à la fois éditeur, écrivain, journaliste ou activiste (entre autres choses), c’est d’abord «faire tenir ensemble» les pièces d’un puzzle en mouvement. C’est aussi interroger le mythe, qui s’enracine dans «l’idée, quelque peu prométhéenne, d’une littérature romande créée et promue par le seul Galland». Quoi qu’il en soit, il n’y avait jusqu’alors pas de biographie (mais peut-on qualifier cet essai de biographie?) consacrée à Bertil Galland. C’est désormais chose faite.

L’ouvrage est séparé en dix thématiques, qui embrassent l’existence de Bertil Galland dans une chronologie à la linéarité parfois joueuse. Il y a là les voyages formateurs «vers le Nord maternel»; l’initiation politique de la Ligue vaudoise et l’influence du sulfureux Marcel Regamey; l’envol littéraire, l’édition – au travers des Cahiers de la renaissance vaudoise et des éditions Bertil Galland –, le grand reportage; puis les combats écologiques et «l’épopée» de l’Encyclopédie illustrée du Pays de Vaud. On suit facilement les grandes étapes qui structurent la vie de Galland, on s’émerveille devant les innombrables combats intellectuels menés par l’homme. Comme l’écrivent les auteurs, «Galland traverse les époques, les pays et moult milieux sociaux, culturels, politiques et professionnels comme d’autres traversent la route, avec confiance, en toute simplicité et en pleine audace».

Du fait de son ambition, le texte introduit un certain nombre d’actrices et acteurs du champ littéraire romand; au point – parfois – de perdre son lecteur dans le dédale des noms qui s’additionnent. Mais qu’importe finalement: l’essai offre, à travers la figure de l’un de ses plus ardents défenseurs, un panorama détaillé du développement d’une littérature suisse romande. Evidemment, le texte est écrit en sympathie avec son objet. Mais pouvait-il en être autrement, tant la personne semble indépassable? Débordant la forme classique de la biographie, c’est une certaine histoire culturelle et intellectuelle de la Suisse romande qui se déploie au fil des lignes. C’est aussi une réflexion sur la nature du savoir et sur la façon de le transmettre: un savoir que toute sa vie, Galland s’est efforcé de vulgariser et de servir; que cet ouvrage paraisse dans la collection qu’il a lui-même contribué à fonder est une belle preuve de la pertinence de son engagement.

Source:
Martin Bagnoud, Magazine LivreSuisse n°4