Quel beau métier que le mien, à la charnière de recevoir et donner. Recevoir tant de mots, tant d’images. Offrir des textes, des histoires, avec leur paysage parfois. Un métier de l’entre-deux, comme la poésie, où la matière reçue est transformée en autre chose, en l’occurrence en un objet qui va vivre sa vie. Il faudra l’accompagner cependant, tel un enfant qui cherche son chemin.
L’enthousiasme et la conviction sont l’argile des premiers pas. Un fiat nécessaire dont le pari se vérifiera à l’or du commerce!
Donner la parole, corriger, orienter, échanger puis transformer, faire entrer le contenu dans une forme, dont nous détenons la clé de toutes les mesures. Voilà notre métier, une succession de choix qui s’imposent à chaque fois. Ce nous n’est pas de majesté, il est celui d’un équipage qui partage le goût, le but, l’exigence et le plaisir. La clé de l’entente se forge avec le temps et l’expérience.
Parmi tous les projets reçus, il est des perles très rares que nous ajusterons sur de fines montures. À chaque fois, une aventure commence avec celles et ceux que nous apprendrons à connaître, des écrivains ou des artistes, tentés par notre catalogue. La confiance s’installera peut-être, alors une histoire, encore une, s’écrira. Celles de La Joie de lire avec Albertine et Germano, Haydé, Adrienne Barman, Sylvie Neeman, Tom Tirabosco, Victor Hussenot, Louise Mézel, Christophe Léon, Fabrice Melquiot...et tant d’autres.
J'ai une affection particulière pour les jeunes artistes qui tentent leur chance pendant les foires. Un grand cartable à la main, ils attendent patiemment leur tour. Ils ont mis le meilleur d'eux-mêmes dans ces feuilles à l’odeur d’Ecoline. Maladresse et grand talent se côtoient. Je sais que nos paroles sont attendues, déterminantes parfois. Certains reviennent chaque année avec espoir de nous montrer leurs progrès.
Et nos lecteurs? Adultes de demain, encore ouverts à tous les possibles, ils reçoivent dans le secret cette nourriture, que nous imaginons savoureuse pour eux. Un risque à prendre.
Je fus tentée parfois par un catalogue pour adultes, peut-être pour satisfaire la lectrice que je suis. J’aurais perdu cet espace de liberté, où l’inconnu est entier et où la vérité reste à écrire.
La Joie de lire fêtera ses 35 ans en 2022. Une femme presque mûre qui peut compter sur son expérience, et qui est loin d'avoir dit son dernier mot.