Que l’on pense à James Lovelock (hypothèse Gaïa) ou à Arno Næss (écologie profonde), la réflexion sur l’écologie a bien sûr eu l’imprimé comme support privilégié. Mais la prise de conscience effective au sein des milieux du livre qui accumulent surproduction et utilisation de papiers est récente – même si certains éditeurs, restés proches de la pratique artisanale, pour qui la réflexion sur la fabrication est indissociable de l’édition, font exception. L’association française Pour l’écologie du livre n’est née qu’en 2020 ainsi que la plupart des discussions publiques sur les réseaux et dans les magazines spécialisés. Je n’ai pour ma part réfléchi précisément à ces questions que récemment, à la publication de la poétesse écossaise Kathleen Jamie.
Ce calendrier est à mon sens né de la première vague de COVID-19 en mars 2020, de son temps suspendu qui a emporté dans son sillage éditoriaux et prises de position. Ayant participé à des collectifs et signé diverses tribunes, je me souviens d’une remise en question des rouages de la chaîne du livre et d’une réflexion interprofessionnelle entre auteurs, éditeurs, diffuseurs et libraires. Plusieurs conclusions tournaient autour de la décroissance du nombre de titres publiés, du nombre de titres précommandés dans les librairies, du nombre de livres invendus retournés (une spécificité de la chaîne du livre, lorsqu’un livre n’est pas vendu, il peut être retourné et remboursé). La proposition de changement la plus intrigante à mon sens était celle d’un contrat global interprofessionnel qui régirait une responsabilité financière accrue à chaque étape: l’éditeur paie en avance tous les droits d’auteur sur un premier tirage, le diffuseur achète le livre à l’éditeur et le libraire achète le livre au diffuseur sans retour possible de toute la chaîne. L’achat ferme permet un tri plus strict et une diminution de la production, mais une question inquiétante se dessine: est-ce que cela se fera au détriment de la diversité des publications et de l’émergence des nouveaux auteurs?
Pour justement aborder la question dans toute sa complexité, l’association Pour l’écologie du livre repose sur quatre pistes pertinentes: la bibliodiversité, la fabrication, l’interdépendance et la circulation. En son sein est menée une réflexion de groupe et demandée une participation active de chacun de ses membres.
A mon sens, dans notre métier comme ailleurs, la pensée écologique est sans maître, mais elle oblige à réfléchir collectivement et à avoir foi dans un changement.