L'ensemble constitué par cette correspondance de Nicolas de Staël n'est pas à proprement parler inédit. Dès 1968, elle a figuré dans un premier catalogue raisonné consacré à l'oeuvre du peintre. Le livre bénéficiait de la grande autorité d'André Chastel, qui avait confié à Germain Viatte, alors très jeune, l'édition de la correspondance du peintre. Cette première édition, devenue totalement introuvable, sera suivie, en 1998, d'un nouveau catalogue monumental, publié aux éditions Ides et Calendes en Suisse, malheureusement réservé, étant donné son volume (1200 pages de grand format) et son prix (1500 Euro), aux collectionneurs, aux commissaire priseurs et aux spécialistes de l'oeuvre. Les mêmes éditions ont publié, édité par Pierre Daix, sous le titre de Lettres, un choix très restreint de cette correspondance, qui est toujours disponible.Ce qu'écrivait Chastel alors est encore vrai : le public ignore l'ampleur et l'intérêt exceptionnel de cette correspondance qui, de 1934 à 1955, année de la mort de l'artiste, « livre en quelque sorte l'autobiographie du peintre, dans le rythme même du vécu, dont aucun récit ne serait capable de restituer la puissance et la fierté .La présente édition a l'ambition de donner à lire pour la première fois, à un très vaste public, et dans leur intégralité, l'ensemble des lettres du peintre connues à ce jour, qui constituent, sur la vie d'un artiste de cette importance, un témoignage aussi capital, aussi passionnant que le sont par exemple les Lettres de Van Gogh.Elle est augmentée d'un corpus important de lettres qui sont totalement inédites. Les transcriptions ont été revues, certains noms jusqu'alors protégés par des initiales ont été ici rétablis. Les notices de Germain Viatte, qui permettent de comprendre le contexte dans lequel les lettres sont écrites et par conséquent de lire ce livre comme la plus complète et éclairante des biographies, ont été mises à jour par leur auteur, en tenant compte de tout le savoir accumulé depuis la première édition.C'est Staël dans son agitation, ses voyages, ses conflits, ses professions de foi, ses violences, ses hésitations.Ces lettres, qui témoignent de ce que fut la vie de ce grand artiste, peuvent se comparer aussi bien aux lettres de Van Gogh (l'homme du Nord découvrant la Méditerranée) qu'au journal de Delacroix (en raison du voyage au Maroc, mais aussi de leur goût commun pour la culture classique, les amitiés intellectuelles ou la musique).On y trouve aussi bien le récit des années de formation en Espagne et au Maroc que, dans la période des « lettres d'affaire , lorsque la gloire est venue, le dialogue avec des personnalités comme René Char, Georges Duthuit, Pierre Lecuire.Comme le résumait parfaitement Chastel : « Les lettres apportent donc tout ce qu'on a besoin de savoir - et au-delà - de Nicolas de Staël. Elles font paraître et parfois scintiller la constellation de personnes, de noms, d'intérêts, de curiosités qui accompage, avec des changements nombreux et des évanouissements passagers, le parcours d'un être fort.