Chacun des romans publiés, Rapport aux Bêtes (2002), Efina (2009) et L’Infini livre (2014) constitue à lui seul un univers autonome, explorant des styles et des genres différents: la fausse oralité de la fiction paysanne (Rapport aux bêtes), la rhétorique séductrice du roman épistolaire (Efina), la dystopie (L’infini livre). Le langage est peut-être le véritable sujet d’une œuvre qui n’ignore pas le réel: qu’il s’agisse de la brutalité de mise dans le fruste environnement d’une ferme où prime l’obsession du rendement (Rapport aux bêtes), de l’aliénation des rapports amoureux contemporains (Efina) ou de la déshumanisation à laquelle nous exposent le numérique et la société du spectacle permanent (L’infini livre), la tristesse du monde et l’échec relationnel sont patents, mais l’œuvre les soigne à sa manière: l’humour, la fantaisie, la poésie, l’invention verbale qui traversent personnages et situations, souvent à l’insu de leur plein gré, confèrent des pouvoirs inédits à la littérature et sa singularité à la tentative de Noëlle Revaz. Pour toutes ces raisons, la Fondation Bodmer a attribué à Noëlle Revaz le grand prix Gottfried Keller 2022.
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©Sébastien Agnetti